Communiqué de presse : Les enfants ne pourront plus être détenu·e·s du fait de leur statut migratoire : une mesure enfin inscrite dans la loi ?

21 mars 2023

Stop détention

Au vu de l’actualité récente, plusieurs d’entre nous, en tant qu’associations de défense des droits humains, avons décidé de réagir et de prendre la balle au bond suite à l’annonce du gouvernement d’inscrire dans la loi l’interdiction de détenir un mineur du fait de son statut migratoire, qui fait écho à un long combat mené par la Plate-forme mineurs en exil et plusieurs de vos associations depuis longtemps. Le communiqué de presse ci-après a été corédigé par DEI, JRS Belgium et la Plate-forme mineurs en exil.

Jeudi 9 mars, après de longues négociations, le gouvernement Vivaldi arrivait à un accord sur la migration. La majorité des mesures annoncées inquiète fortement les associations de défense des droits humains qui soulignent cependant une avancée : il est prévu d’enfin inscrire dans la loi qu’un enfant ne peut pas être détenu du fait de son statut migratoire… Une promesse que la coalition Vivaldi avait déjà faite en septembre 2020 et qui mérite d’être concrétisée d’ici la fin de la législature… nous y veillerons.

 

Rappel historique des faits En 2023, la Belgique peut toujours détenir un enfant qui n’a pas les bons papiers.

 

Bref rappel des faits :

· 2006 : suite à l'affaire Tabitha, la Cour Européenne des droits de l’Homme condamne la Belgique. Pendant près de 10 ans, notre pays arrête alors de détenir des enfants et leur famille en centre de détention administrative (centre fermé).
· Été 2018 : le gouvernement belge en fonction adopte un nouvel arrêté royal lui permettant de reprendre cette pratique pour laquelle il avait été condamné. Un nouveau centre de détention administrative voit le jour : une aile spéciale « pour familles » est annexée au centre 127bis, près de l’aéroport de Zaventem, dont la construction a coûté près de 2 millions d’euros au contribuable belge, hors frais de fonctionnement. En parallèle de cette aberration, une mobilisation citoyenne sans précédent émerge : la campagne On n’enferme pas un enfant. Point. est soutenue par 48.000 citoyen·ne·s et 325 associations.
· Avril 2019 : suite à cette mobilisation et à l’action en justice de 15 associations, le Conseil d’État suspend l’arrêté royal permettant l'enfermement de familles en séjour irrégulier avec leurs enfants. Il n’est donc plus possible de détenir des enfants pour raisons migratoires dans les conditions existantes, mais la loi ne l’interdit pas encore formellement. Cela reste un combat pour les associations.
· Septembre 2020 : la Vivaldi, nouvellement formée, publie dans son accord de gouvernement que « des mineurs ne peuvent pas être détenus en centre fermé. »
·9 mars 2023 : le gouvernement Vivaldi arrive à un accord sur la migration qui mentionne qu’il sera interdit de placer un enfant dans un centre de détention et que cela sera inscrit dans la loi.



Un engagement qui tarde à se concrétiser

Les promesses sont une chose, mais si elles ne sont pas suivies de faits, elles n’ont aucune valeur et feront l’effet d’une poudre aux yeux. Nous, associations de défense des droits humains, veillerons à ce que d’ici la fin de la législature, le gouvernement respecte enfin sa promesse et inscrive dans la loi, noir sur blanc, l’interdiction de détenir un enfant du fait de son statut migratoire.

 

De terribles impacts sur la santé des enfants

Enfermer un enfant a des impacts profonds et durables sur sa santé et son développement. Cela a été prouvé par d’innombrables expert·e·s, dont le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik qui souligne qu’ « il n’y a pas de bonne façon d’enfermer. L’enfermement est un trauma grave. ». Même des périodes de détention courtes peuvent affecter le bien-être psychique et physique des enfants et compromettre leur développement cognitif. Les expert·e·s en psychologie ayant travaillé avec des enfants de tous âges en centre de détention constatent que la détention provoque chez eux et elles un mutisme, de l’anxiété liée au stress post-traumatique, et même des comportements d'automutilation et tentatives de suicide.[1] En 2018, Bernard De Vos, alors Délégué Général aux droits de l’enfant, avait rendu visite à une famille de 4 enfants né·e·s en Belgique et expulsée vers la Serbie après avoir été détenue en centre de détention. Il témoignait : « (…) pendant notre présence là-bas, on parlait de la Serbie avec un enfant de trois ans qui faisait le signe avec la tranche de la main sur son cou en disant : 'Serbie". Voilà, et ça à trois ans. C’est insupportable". ».


Un bémol de taille : les maisons de retour


La loi qui devrait être adoptée prochainement portera sur la détention d’enfants en centre de détention administrative. Pourtant, des enfants sont encore actuellement détenu·e·s en « maisons de retour » : il en existe 29 en Belgique. Moins connues, ce sont aussi des lieux de privation de liberté pour des familles migrantes. S’il ne s’agit pas de lieux fermés à clé, il s'agit bien d'une forme de détention qui ne dit pas son nom. L’enfant subit d’abord le traumatisme d’une arrestation. Il/elle est coupé·e de son entourage, doit endurer des restrictions de liberté importantes et des violations de ses droits à l’éducation, aux loisirs… et est finalement menacé·e·s d’être expulsé·e vers un pays qu’il/elle n’a parfois pas connu. Ancrer dans la loi l’abolition de la détention d’enfants en centre fermé est un premier pas indispensable mais réellement mettre fin à cette pratique inhumaine doit aussi passer par l’interdiction de les détenir en maison de retour. Car un enfant migrant·e est avant tout un·e enfant et qu’on n’enferme pas un enfant. Point.



SIGNATAIRES:

Plate-forme mineurs en exil,
Jesuit Refugee Service Belgium,
Défense des Enfants International (DEI)-Belgique,
Service Droit de Jeunes-Namur,
Unicef Belgique,
Ligue des droits humains,
APPIJF: Association Professionnelle des Psychiatres Infanto-Juvéniles Francophones,
WAIMH belgo-luxembourgeoise,
ATF-MENA,
Point d'appui asbl,
Caritas International Belgium,
NANSEN asbl,
Fondation Joseph Denamur,
Concertation wallonne des acteurs en charge des MENA et ex-MENA,
Live in colour,
Centre El Paso de l'association AJDN- Gembloux,
Kinderrechtencoalitie Vlaanderen,
Tumult vzw,
Centre régional d'intégration de Charleroi (CIRC),
Centre d'action interculturelle de la province de Namur (CAI),
Centre régional d'intégration de la province du luxembourg (CRILUX),
Centre interculturel de Mons et du Borinage (CIMB),
Centre régional de Verviers pour l'intégration (CRVI),
Move coalition.

CONTACT PRESSE:
· (NL) Jörg Gebhard, directeur JRS Belgium, jorg@jrsbelgium.org 0456/14.27.24
· (FR) Eva Gangneux, chargée de plaidoyer à Défense des Enfants International (DEI) – Belgique, Eva.Gangneux@defensedesenfants.be 0494/03.93.65
· (FR) Darya Garegani DG@sdj.be ou Pierre-Yves Rosset PYR@sdj.be, directeur de la Plateforme mineurs en exil 0499/83.18.80


[1] A savoir Dr. Soorej Puthoopparambil Ph.D - directeur du centre de collaboration de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à l'université d'Uppsala et auteur d'une récente étude de l'OMS sur les problèmes de santé liés à la détention dans le cadre des migrations.

Une campagne de

Unicef
Mineurs en exil

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Ciré
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JRS
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